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M. Mbarki met en exergue les acquis réalisés en matière de régionalisation au Maroc
12 sept. 2022
Développement, Région
Saidia – Le directeur général de l’Agence de l’Oriental, Mohamed Mbarki, a mis en exergue les acquis réalisés en matière de décentralisation et de régionalisation au Maroc, lors des travaux du 1er Forum des régions d’Afrique (FORAF) à Saidia.
Intervenant lors d’un panel intitulé « Gouvernements régionaux et compétitivité territoriale », dans le cadre de ce forum organisé du 08 au 10 septembre par l’Association des régions du Maroc (ARM), M. Mbarki a souligné qu’au Maroc, c’est désormais la région qui prend en charge le développement de son territoire, en partenariat avec l’Etat.
Ci dessous l’intervention intégrale de Mr. Mbarki lors du FORAF :
FORUM DES REGIONS D’AFRIQUE
La contribution des collectivités régionales au développement durable et à la dynamique d’intégration de l’Afrique
PANEL 3
L’importance des Régions dans l’équipement du territoire
Une initiative fondatrice
Depuis Africités 8 réuni à Marrakech en 2018, beaucoup de travail a été accompli pour la création du Forum des Régions Africaines. Je voudrais rendre ici un hommage mérité à tous ceux qui nous ont précédé dans la création de ce projet, sa défense, puis sa maturation, avant d’en faire une institution importante pour la construction de la prospérité Africaine.
Chaque grande innovation possède son temps de maturation, et la sagesse consiste à savoir évaluer ce temps et le respecter.
Donc si nous fêtons aujourd’hui cette belle avancée sur le chemin de cette Afrique que nous voulons, une avancée dénuée de toute arrière-pensée politicienne, nous le devons aussi aux pionniers (qu’ils m’excusent de ne pas les citer), et bien sûr à ceux en responsabilité aujourd’hui, qui ont conduit à son terme ce beau projet : Monsieur le Ministre de l’intérieur, en sa qualité de tuteur des collectivités territoriales avec bien sûr les hauts responsables du ministère, Madame la Présidente de l’Association des Régions du Maroc, et à travers elle les Présidents des régions, et particulièrement le Président de la Région de l’Oriental, qui en a été un partenaire actif. Enfin ce projet n’aurait pu voir le jour sans l’accompagnement efficace et les conseils pertinents du Secrétaire Général de CGLUA et de sa Présidente. Je salue chaleureusement.
Mesdames et Messieurs
Dans ce projet de promotion des Régions africaines, « l’Afrique que nous voulons » est celle qui regarde avec conviction l’Afrique d’en bas, sans se priver de lever les yeux, pour en valoriser résolument le potentiel. La nouvelle mission de la Région africaine ne doit pas être une simple transposition de celle des pays développés, ou celle de consultants étrangers immergés dans une autre réalité.
Oui la Région que nous voulons doit être inclusive, ambitieuse, innovante… tout simplement africaine !
Je ne peux m’empêcher en cet instant, de comparer ces moments d’échange sur l’Afrique à ceux du lendemain des indépendances quand, du Nord au Sud, les pères des mouvements de libération africains, de Feu SM Mohammed V au regretté Nelson Mandela, réfléchissaient au devenir du continent. Ces grands militants ont libéré l’Afrique d’une des dictatures coloniales les plus cruelles et les plus pernicieuses qu’ait connu l’humanité : elles ont fait fi non seulement des structures traditionnelles, des hommes, mais surtout des cultures, qui sont l’une des richesses de l’âme africaine. L’Afrique, avec courage, a mis trois générations à s’en libérer … pour progressivement commencer à se reconstruire.
Nous avons quitté le « petit combat », celui des indépendances, pour entrer dans la « grande bataille », celle du Développement. (Je paraphrase ici les nombreux et fameux discours de feu Leurs Majestés Mohammed V et Hassan II). Et ce dur combat pour le développement va désormais s’enrichir de ce vibrant appel prononcé à la tribune de l’Union Africaine par SM Mohammed VI, que Dieu L’assiste : « l’Afrique doit faire confiance à l’Afrique ».
Et précisément, je pense que les Régions devront jouer un rôle fondamental, dans la gestation et l’implémentation de cette confiance.
Les nombreuses études sur la région montrent, dans leur diversité, le soin porté à la construction de structures de gouvernance intermédiaire dans la hiérarchie des instances de décision, depuis la base en charge de la gestion des affaires locales, jusqu’au niveau de l’Etat central pleinement attaché à l’exercice de ses prérogatives de conception et de suivi des politiques publiques. Cette structure intermédiaire est apparue, avec le temps comme indispensable à la réussite de la territorialisation des politiques publiques.
Un grand œuvre est en marche
Dans cette longue marche vers la régionalisation…, les pays africains ont suivi des chemins divers et des objectifs similaires :
Pour la Région : il s’agissait de donner de la consistance au projet de territoire, accroître son attractivité, valoriser ses atouts, développer son image.
Pour l’état : il fallait imposer son leadership dans la mise en œuvre des politiques publiques, et établir un excellent transfert vers le haut des préoccupations des citoyens.
L’Afrique traditionnelle dans toute sa diversité, a toujours eu le souci de la proximité dans les processus de gouvernance traditionnels. Les autorités traditionnelles en Afrique – les « jemaa » au Maroc – arbitraient les conflits et géraient les besoins de la collectivité. Le colonialisme a commencé par s’appuyer sur ces structures, dans les villes et les campagnes, pour mieux les neutraliser en les vidant de leur référentiel culturel,
Les indépendances ont créé ensuite de nouvelles instances de gouvernance territoriales Elles sont le résultat d’un long processus de concertations politiques sur les reformes des collectivités locales et de l’administration territoriale : le Royaume du Maroc par exemple est passé par de nombreuses étapes : première charte communale (1960), création des provinces et préfectures (1963). Ce sont les leaders du mouvement de libération qui dans la plupart des cas ont été les auteurs et les animateurs de ces réformes.
SM Mohammed V déclarait dès 1958 (discours le 8 mai 1958) :
« L’évolution du pays a eu pour conséquence l’éclatement des structures tribales qui ne sauraient dès lors constituer une base pour la mise en place d’organismes représentatifs. Ainsi, avons-nous jugé préférable que la commune, nouvelle cellule sociale et politique soit à la base de l’organisation du régime du Maroc moderne ».
Des réformes équivalentes dans leurs mécanismes sont réalisées également dans plusieurs pays africains : le Sénégal, le Mali, La côte d’ivoire, le Ghana… et contribuent à enrichir l’action des collectivités locales et territoriales :
SM Hassan II à l’ouverture du V° Colloque des Collectivités locales le 21 avril 1992, déclarait :
« Nos ancêtres et prédécesseurs – bénis soient-ils – savaient que le pays ne pouvait être gouverné à partir d’un centre unique, quelles que fussent la vitalité de l’administration, la volonté des hommes et la compétence des fonctionnaires […] En l’absence de la démocratie locale, il ne peut jamais y avoir une démocratie nationale frappée du sceau du sérieux, du respect et de l’engagement. ».
Ainsi, le Royaume du Maroc est passé de 7 régions économiques à caractère administratif, en 1971 (répondant prioritairement à des besoins de planification économique) à 16 Régions devenues collectivités territoriales à part entière (1992). Il s’en est suivi l’élection des conseils Régionaux (1997), pour aboutir enfin à la création de la « Région avancée »
À ce propos SM Mohammed VI que Dieu L’assiste, déclarait en de Juillet 2009 :
« Dans Notre résolution à promouvoir la gouvernance territoriale, Nous avons décidé de lancer un chantier fondamental de réformes, en l’occurrence la mise en place d’une régionalisation avancée qui, Nous le souhaitons, marquera un saut qualitatif dans le processus de démocratie locale… »
Il a donc fallu au Royaume plus d’un demi-siècle de réformes pour aboutir à la configuration d’aujourd’hui. L’organisation territoriale africaine a vécu également des évolutions similaires dans les méthodes, prudentes et audacieuses dans leur mise en œuvre, qui ont contribué à stabiliser les états.
Avec la « Région avancée » nous sommes arrivés au faîte des prérogatives données à la gestion régionale décentralisée : le Président de Région assure le leadership du développement Régional, la tutelle est supprimée et les arbitrages en dernier recours sont assurés par le tribunal administratif compétent. Le président dispose de moyens importants et de structures d’accompagnement nouvelles et novatrices. (La Direction Générale des services dotée d’un statut avantageux, et les AREP – Agences Régionales d’exécution des projets -) destinées à assurer la continuité et la stabilité dans la gestion des réalisations. Les conseillers régionaux sont élus au suffrage universel direct. Au niveau de la gestion du développement, les compétences de la Régions sont étendues et définies. Le suivi populaire est régulé. Désormais c’est la Région en partenariat avec l’état qui prend en charge le développement des territoires.
Un nouveau modèle de développement pour l’Afrique
L’achèvement des structures de gouvernance des territoires depuis le gouvernement local jusqu’à l’état central clarifie les missions d’aménagement du territoire et permet de construire un nouveau modèle de développement (NMD), fortement intégré au rôle des acteurs, aux réalités du terrain et aux contraintes de la mondialisation.
Le NMD marocain en cours d’implémentation scrute l’avenir pour les futures décennies, mais recommande dans l’immédiat la dynamisation des processus de mise en place de la régionalisation avancée et la dynamisation du transfert aux Régions des instruments qu’impose l’exercice de leurs prérogatives propres.
Il crée des espaces de « co-conception » des politiques publiques entre l’état et les différents opérateurs au sein desquels la nouvelle Région prendra une place déterminante. Sont également inscrits parmi les objectifs, « la préservation les ressources naturelles et le renforcement de la résilience des territoires au changement climatique, la préservation des ressources en eau par une gestion plus rigoureuse de sa rareté ».
Des outils pour l’action
Les outils de planification du développement accompagnent les niveaux d’intervention : les SRAT (Schéma Régionaux d’Aménagement du Territoire), les plans communal, provincial, puis régional définissent les ambitions, fixent en toute indépendance, je tiens à le souligner, les priorités des territoires et permettent de définir contractuellement, le rôle de chaque intervenant et sa contribution financière, y compris celle de l’état.
Le Président de la Région de Dakhla a présenté le Modèle de Développement des provinces du Sud. Il montre combien est décisif le rôle de l’état dans le financement des grands projets d’investissement et de développement, mais aussi combien est déterminante la contribution du gouvernement régional et des structures intermédiaires dans les financements complémentaires, la sensibilisation des citoyens et leur participation à l’œuvre commune.
Là aussi il faut développer la confiance. Le « Modèle de Développement des provinces du Sud » décide la réalisation simultanée de plusieurs types de projets et décrit leur mise en synergie. Le grand port de Dakhla-Atlantique par exemple aura un impact suprarégional et fera jouer à la région un rôle important au plan des grandes relations économiques y compris au-delà des frontières. Il confirmera ainsi, avec l’état, le rôle des Régions dans la diplomatie territoriale, dans la coopération décentralisée bien sûr, mais au-delà, dans la recherche de nouvelles formes de développement entre Régions, mutuellement bénéfiques.
La région de l’Oriental a également un plan plus ancien celui-là, mais répondant parfaitement aux impératifs d’un développement intégré, et visionnaire pour un territoire en situation de décrochage économique par rapport aux autres régions du royaume, le long d’une frontière restée plus longtemps fermée qu’elle n’a été ouverte depuis les indépendances… un anachronisme choquant !
L’Initiative Royale de Développement de la Région de l’Oriental (IRDO) a été lancée en 2003 pour mettre la Région sur la voie d’un développement rapide et efficace. Mettre en place des infrastructures modernes, parfaitement proportionnées et opérationnelles, lancer de nouveaux secteurs économiques et créer de nouveaux projets pour leur développement, (zones industrielles de nouvelles génération, stations touristiques en synergie avec le tourisme de niche, produits du terroir et projets destinés à l’économie sociale et solidaire…) création de grandes infrastructures sociales et culturelles et entités de formation des cadres ( faculté de Médecine couplée à un CHU, écoles de commerce, écoles d’ingénieurs, formation professionnelle, développement du numérique…)
En moins d’une décennie, la Région a ainsi rattrapé son retard et se place aujourd’hui en partenaire dynamique de la coopération avec l’Afrique, avec le soutien du Conseil Régional de l’Oriental et le rôle actif de la société civile. Cette coopération a concerné l’octroi de bourses par le conseil régional, la dynamisation de la coopération décentralisée, l’échange d’expériences et la coopération sur les grands projets comme celui qui associe l’aménagement de la « lagune de Marchica » de Nador à celui de « la Baie de Cocody » à Abidjan
Les chemins du Patrimoine matériel et immatériel
sont aussi les chemins de l’avenir
Nous avons vu combien a été violente l’action d’aliénation culturelle du colonialisme, et combien a été forte la résilience des populations. La réappropriation par les africains et pour eux, de notre intégrité culturelle accompagnera positivement nos performances économiques. Pour la mise en œuvre de notre politique culturelle, sans vouloir nous enfermer dans une quelconque bulle identitaire, nul besoin de passer par l’extérieur, car nous savons le nord friand de la créativité de nos artistes et de nos compétences. Créons des circuits purement africains pour développer notre patrimoine matériel et immatériel, récupérer les œuvres et les archives disparues, et redonner la parole à nos historiens. Il est urgent de nous ré approprier notre Histoire, la vraie, pour construire l’Afrique de la confiance.
Les Agendas
Au niveau Africain beaucoup de ces éléments sont inscrits dans l’Agenda Africa 2063. C’est un grand mérite de l’avoir pensé et mis en débat aussi tôt. Cet Agenda sera, sans nul doute, actualisé et enrichi à l’épreuve des nouvelles évolutions internationales (et des objectifs inscrits dans les autres agendas) qui impacteront durablement nos stratégies de développement.
Dans ce grand débat sur l’avenir de l’Afrique, nous sommes persuadés que la Région Africaine sera un acteur important pour la diffusion de cette confiance tellement utile à nos stratégies. Elle saura atténuer et pourquoi pas résoudre les conflits, notamment aux frontières, parce que proche culturellement du terrain, sensible aux aspirations des populations, et en possession d’outils d’intervention adaptés. Nous encouragerons tous les types de coopération et de partenariat entre les Régions, les institutions et les groupements africains : ensembles régionaux, Zlecaf…
Il faudra du temps et de la patience pour construire tout cela, et pour l’inscrire dans une feuille de route appropriée. Laissons murir la confection d’un Agenda pour les collectivités territoriales, similaire, parallèle et complémentaire de celui des états.
Alors rêvons un peu, car rêver c’est regarder l’avenir.
Mohammed Mbarki